Une autre journée, et encore le poisson. On le croirait pas, mais ces bêtes-là peuvent grossir jusqu’à faire un pied de long, facilement. Ils grandissent en proportion avec l’espace qu’on leur donne.
C’est comme moi dans cet appartement-ci. À vivre avec l’ex (avant qu’elle devienne mon ex), je prenais le peu de place que j’avais. Quand je l’avais fait fâcher, je prenais mon trou. Quand ça allait bien, j’avais ma moitié du lit.
Maintenant qu’elle a décampé, j’ai de l’espace pour m’étendre un peu. Je m’étends, et je commence à comprendre. J’ai de l’espace pour réfléchir. Je comprends que si elle est partie, ce n’est pas, comme elle me l’a dit, parce qu’elle venait de réaliser à quel point j’étais égoïste. En fait, c’est elle qui était trop égoïste pour me permettre mon égoïsme et m’aimer malgré ce défaut-là.
À peine un mois depuis qu’elle est partie, et déjà tout est tellement plus clair…
Je suis allé au parc aujourd’hui. Belle journée. Les nuages traînaient leurs gros culs paresseux dans un ciel trop bleu pour être vrai. Tous les gens du quartier s’étaient donné le mot pour promener leurs chiens en même temps.
Je me suis évaché dans l’herbe sans bouger et les animaux sont tous venus m’inspecter, mine de rien. Les écureuils, les pigeons, les fourmis, les mouettes occasionnelles, les guêpes, les chiens sus-mentionnés… Qu’est-ce qui nous sépare d’eux, vraiment?
Qu’est-ce qu’on a qu’ils ont pas? L’intellect? Pantoute. Les singes peuvent apprendre à parler par signes, et on n’arrête pas de dire comment les dauphins sont intelligents.
L’émotion, d’abord? Non plus. Les chiens, en particulier, sont des grands sensibles, c’est évident.
L’utilisation d’outils? Pas du tout. Les singes en sont capables. Les mouettes saisissent les coquillages qu’elles ne peuvent pas ouvrir, les lèvent haut dans le ciel et les laissent se fracasser sur le sol. Elles utilisent la gravité comme ouvre-boîte.
L’humour? Pas sûr. Les hyènes rient, pour ce que ça vaut. Les chiens sont capables de jouer et de s’amuser: de là à trouver que quelque chose est drôle, y a qu’un pas. Et je suis sûr que les chats rient dans notre dos.
En fin de compte, on n’a pas de raison de se croire si uniques en tant qu’humains. Tous les animaux font preuve d’humanité à des niveaux différents. On n’a pas le monopole sur la pensée, ou le sentiment, ou ben l’apprentissage, ou quoi que ce soit d’autre.
Sur le tronc d’arbre au dessus de ma tête, un écureuil me regarde, bien agrippé à l’écorce, tête en bas. Je lève la tête pour le regarder dans les yeux. Je me demande ce qu’il peut bien penser. Quelles sont les questions brûlantes dans le monde écureuil?
Et d’un coup, drette là, j’ai une révélation.
C’est la réincarnation qui doit être la réponse.
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