Mon shift est presque fini. Jennifer Lopez a survécu. Les pervers habituels sont passés: l’un d’eux a bien dû passer trois quarts d’heure dans la section XXX. Il n’a rien loué.
Mon rhum’n’coke est presque fini lui aussi. Je m’en mixe souvent un dans une bouteille de deux litres avant de venir travailler. Je le fais pas trop fort: après tout, l’alcool rend l’homme semblable à la bête. L’important, c’est que ça me mette à l’aise un peu. J’en oublie un peu combien l’héroïne me manque.
Mon ex ne me laissait pas toucher à l’alcool, comme de raison. Elle avait peur que je remplace une dépendance par une autre. Pas de danger. Le high de l’alcool n’est rien en comparaison: c’est pas ça qui va me rendre accro. Et pis, j’ai pas oublié toutes les conneries que j’ai faites au nom de la prochaine dose.
En anglais, pour parler de sa dépendance, un gars va souvent parler de « monkey on my back« . Être accro, c’est avoir un singe sur le dos. Je l’ai oublié dans ma liste d’animaux, celui-là, le singe grimaçant qui nous pousse aux pires bêtises. C’est ben pire que le petit diable sur l’épaule des personnages de dessin animé. Le singe, c’est pour vrai.
C’est un peu ce qu’elle a fait pour moi, l’ex. Elle m’a aidé à m’arracher le singe de sur le dos. Au début, moi, j’avais peur de faire d’elle ma nouvelle dépendance. Mais non, je suis au-dessus de ça. Le sexe me manque, oui. Pas surprenant, j’en suis dépendant depuis la puberté, comme n’importe quel homme. Le sexe me manque, mais elle? D’elle, il ne me reste pas de singe: au plus, un poisson dans mon appartement.
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