Ma première semaine à mon nouvel emploi s’est déroulée comme un charme. Le boss trouve que j’ai un talent naturel.
J’aurais pu prendre la solution facile, comme Mercier. Mais non…
J’aurais pu me laisser aller à rien faire, à m’enfoncer dans une sorte de misère familière. J’ai souvent vu ça. Tu te laisses dépérir juste pour voir ce qui va se passer. T’observes ta vie avec une fascination détachée, comme on regarde une grande catastrophe à la télé quand on sait que c’est truqué. C’est le jeu de la déchéance. J’y ai déjà trop perdu.
J’ai fait l’effort qu’il fallait et je me suis trouvé une vraie job. C’est juste le début.
J’ai mon plan. Je travaille avec sérieux pendant six mois, ou ben un an, ou ben deux, s’il le faut vraiment. Je me fais aimer des clients, j’accepte de plus en plus de responsabilités. Je me renseigne sur les subventions, les programmes pour jeunes entrepreneurs ou pour ex-toxicomanes. Le temps venu, j’achète la place, ou ben je pars ma propre compagnie: en autant que c’est moi qui prends les décisions.
Travailler dans une école de dressage: suffisait d’y penser. J’apprends des tours aux animaux. Je leur donne les outils qu’il leur faut pour s’assumer pleinement. Je passe beaucoup de temps avec eux et on s’entend bien. Je peux leur montrer ben des choses sans que leurs maîtres s’en doutent.
Dans mon appartement, bien calé dans mon fauteuil d’occasion, je tète une bière bien méritée. Je pense à vous autres, tous les citadins insouciants que vous êtes. Je cogne doucement ma bouteille contre l’aquarium du poisson rouge, et ensemble nous trinquons à ce jour pas si lointain où vos animaux si dociles sortiront de leur torpeur pour vous mordre le cul à pleines dents.