« Noreascon 4: il n’y a pas que les panels
Impressions informées
Quelques bières pour la route – le dépanneur caméléon – parlons politique – dernières constatations
Le temps file, en voyage. Voilà que je me retrouve chez Charles Street Liquors, à choisir les quelques bières que je rapporterai à Montréal demain. C’est le paradis du bièrophile ici. Je m’en tiens aux bières de microbrasseries américaines qu’on ne voit jamais au Québec, et cette restriction me laisse encore l’embarras du choix.
Le magasin se trouve en plein coeur de Beacon Hill, un de ces quartiers de luxe caractérisés par une drôle d’uniformité, comme ces petits villages sympathiques mais tout à fait artificiels qu’on retrouve dans certains grands parcs d’attractions. En chemin vers le liquor store, j’ai longé les vitrines d’antiquaire après antiquaire, avec à peine une épicerie fine ou une petite galerie d’art pour faire changement. Chaque boutique d’antiquaire est faite de ces briques brun-rouge dont presque toute la ville est bâtie; chacune porte son nom sur une enseigne de bois suspendue, peinte vert billard, dans laquelle sont gravées des lettres peintes en or. Tous les autres commerces se conforment à ce même look. Le 7-Eleven au coin de la rue (de l’omniprésente chaîne américaine de dépanneurs 24 heures, avec leur logo rouge, orange et vert) a son logo gravé en lettres d’or sur une enseigne vert billard devant une façade de briques brun-rouge.
Le quartier où j’ai habité ces derniers jours, Back Bay, sent légèrement moins l’argent mais ne manque pas de restaurants haut de gamme et de boutiques de luxe. C’est un coin où il fait bon vivre si on en a les moyens. Il a fallu qu’on me le fasse remarquer, mais une fois qu’on en est conscient, ça devient évident: l’écart entre riches et pauvres est plus marqué ici que par chez nous, et beaucoup des Noirs, Latinos et autres minorités visibles que l’on croise sont bien rangés derrière une vadrouille ou un comptoir de fast food. Est-ce typique de ce quartier, de Boston en général, ou des États-Unis tout entiers? Je ne saurais dire.
C’est intéressant d’être ici, en tout cas, après des années passées à observer de loin le règne de Bush fils. En voyage, règle générale, il est sage d’éviter les discussions politiques, mais je m’y laisse entraîner à quelques reprises, quand un Américain aborde le sujet. Leurs opinions rejoignent souvent les miennes: c’est le pays de John Kerry ici, après tout. La convention démocrate se tenait ici un mois plus tôt et on retrouve encore ça et là des autocollants anti-Bush ou pro-Kerry. Il y a un sentiment de ras-le-bol qui plane. Les gens n’hésitent pas à s’en confier quand ils comprennent que je suis canadien. Ils sont curieux de savoir comment on vit là-haut. Les élections auront lieu dans trois mois et beaucoup espèrent un changement de régime.
Il m’aurait fallu encore une semaine ou deux pour saisir tout ce que j’aurais voulu saisir de Boston. C’est sur le tard que j’aurai fait plusieurs découvertes intéressantes. On m’indique que les rues transversales à Beacon Street, où je suis logé, sont en ordre alphabétique: Hereford, Gloucester, Fairfield, Exeter et ainsi de suite en marchant vers l’est. Si j’avais su plus tôt, je me serais moins perdu. C’est aussi vers la fin de mon séjour que j’ai enfin l’occasion d’entendre le fameux accent bostonien. Je crois qu’il est plus rare dans les quartiers touristiques comme Back Bay et peu commun chez les jeunes. Je l’entends pourtant de la bouche de trois jeunes, dans un petit pub irlandais souterrain tout près de mon auberge. Ils arrivent de l’autre côté de la rivière, je crois. Leur accent et leur état d’ébriété les rendent plutôt comiques. L’un deux est allé au Québec une fois déjà; nous comparons nos impressions sur les bars de danseuses de Montréal, puisque le sujet le fascine.
J’aurai eu, somme toute, quelques bonnes conversations: avec les Bostoniens et avec les fans rencontrés à Noreascon. Le congrès en valait la peine. En y participant, j’en suis venu à mieux comprendre l’existence de la SF en tant que mouvement. Je me demande si cette atmosphère de prolongement d’une tradition est surtout une caractéristique du marché anglophone, mais je serai rassuré en la retrouvant plus tard au 25ème anniversaire du congrès Boréal, le rassemblement annuel du milieu canadien français.
Le tout dernier matin, je rejoins à son hôtel l’homme de la situation (celui qui a la voiture) et sa soeur. Nous naviguons en sens inverse; les édifices maintenant semi-familiers défilent et vont se perdre dans le rétroviseur. Je me la coule douce pendant que les deux autres se relaient au volant et m’indiquent des beautés et des curiosités que j’avais manquées à l’aller. Je me sens choyé.
Aux douanes, on nous ouvre grand la porte sans poser trop de questions.