« Pèlerinage à Providence – Noreascon 4: savantes discussions »
Noreascon 4: ça commence
Arrivée – le fandom – convention shock
C’est le jeudi que débute le congrès, au Hynes Convention Center. J’arrive assez tôt, prends possession de ma badge et de mon sac contenant programme détaillé et petites gratuités. C’est ma deuxième Worldcon, et je ne me laisse donc pas trop épater par l’étendue des lieux (le congrès s’étend sur trois étages du Hynes) ni par l’affluence. Enfin, pas à cette heure-là.
Puis, les gens commencent à entrer en force et j’en deviens étourdi, petit à petit, au long de la journée. La Worldcon précédente, ayant eu lieu à Toronto, avait été de taille modeste; les vrais gros congrès sont ceux tenus aux États-Unis. Étrangement, dans toute cette foule, il ne m’en faut pas longtemps avant de repérer des visages familiers. Je croise quelques confrères francophones que j’ai plutôt l’habitude de rencontrer au congrès Boréal à Montréal, y compris Christian Sauvé, mon billet de retour (qui, depuis, a lui aussi consigné ses expériences par écrit). Je reconnais aussi une ou deux personnes dont j’avais fait la connaissance lors du congrès de Toronto. Le monde du fandom est petit.
Parlons du fandom, tiens. Ce terme désigne la culture rattachée à la fiction « de genre », qu’il s’agisse de science-fiction ou de fantasy (je simplifie, il vaut mieux). C’est le réseau, la masse des amateurs qui consomment de la SFF en grande quantité, qui en discutent entre eux, qui organisent les congrès. Le fandom a son histoire, ses petits rituels, ses inside jokes, son vocabulaire. Tous ici sont des fans confirmés: au prix que ça coûte pour entrer, on ne s’inscrit pas à la légère.
Il y en a quand même toute une variété. Certains sont simplement d’avides lecteurs et passeraient inaperçus dans le métro. D’autres se passionnent surtout pour la SFF télévisée ou cinématographique. Beaucoup écrivent, sérieusement ou non. Et certains — une minorité tout de même importante et très visible — se plongent tout entier dans leurs univers fictifs préférés à l’aide de costumes et maquillages élaborés. Ils donnent à l’ensemble des allures de fête foraine, ce que j’en suis venu à apprécier. En approchant de la Concourse, le centre nerveux du congrès, je vois trois danseuses du ventre ondulant au son de la chanson-thème de Buffy the Vampire Slayer, pendant que la Mort elle-même fait sembler de jouer de la guitare avec sa faux. Ici, tout est possible.
Il reste une autre catégorie de fans: les invités, ceux qui sont payés pour être là. Ce sont surtout des auteurs et des artistes visuels, mais aussi des éditeurs, des scientifiques et j’en passe. Les deux invités d’honneur cette année sont Terry Pratchett et William Tenn. Tenn est un pionnier qui publie depuis 1946 et que je connais peu, malheureusement. Pratchett est un de mes auteurs favoris; il écrit de la fantasy avec un humour britannique prononcé, des personnages ridicules et attachants et des réflexions plus profondes qu’on ne s’y attendrait. Pour lui, les organisateurs ont fait les choses en grand, allant jusqu’à bâtir dans la Concourse une réplique grandeur nature du Mended Drum, une infâme taverne souvent visitée dans ses livres. C’est beau, mais juste un peu décevant: je crois qu’on n’y a vu aucune bagarre de tout le congrès.
Pour cette première journée, je me familiarise avec les lieux sans visiter en profondeur, puis je plonge dans le vif du sujet, passant l’après-midi dans une série de panels (des tables rondes, quoi, des discussions à quelques participants devant auditoire). Après tout ça, je me sens curieusement épuisé et irritable. C’est le convention shock qui frappe, je ne le réalise que maintenant. J’étais en mode vacances jusque là, et c’est un sérieux contraste que de prendre un tel bain de foule en courant d’un panel à l’autre. Je passe une soirée relax, histoire de faciliter la transition.
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